
Emmanuelle Huynh : « Danser c’est aussi philosopher »
Entre danse et philosophie
Fille d’un père vietnamien et d’une mère française, Emmanuelle Huynh se passionne très jeune pour la danse et la philosophie. Après un DEA de philosophie et une formation classique en danse, elle entre à l’Ecole Mudra de Maurice Béjart à Bruxelles. Puis pendant sept ans, elle découvre le métier en dansant pour d’autres : Odile Duboc, Nathalie Collantes, Catherine Contour, etc. En 1994, traversée par des questionnements artistiques et personnels, elle entreprend de se rendre pour la première fois au Vietnam, une quête des origines autour de laquelle elle bâtit son premier projet en tant que chorégraphe : Mua (1995).
Le travail d’Emmanuelle Huynh se trouve à la jonction entre concepts et introspection. Le questionnement autour des origines y est très présent. De même, les réflexions philosophiques et la question du geste parcourent l’ensemble de son œuvre. Passionnée de culture japonaise, plusieurs de ses créations s’en inspirent comme Shinbaï (2009), un dialogue dansé avec Sheiho Okudaira, maîtresse de l’ikebana, l’art floral japonais ou encore Spiel (2011) qu’elle crée avec le danseur et chorégraphe butô Akira Kasai. Elle associe également les corps et les textes dans plusieurs de ses pièces comme A Vida Enorme (2003) avec des écrits du poète portugais Herberto Helder ou encore Formation (2017), qu’elle crée à partir de l’ouvrage de Pierre Guyotat. Depuis 2014, elle réalise également avec le plasticien Jocelyn Cottencin des portraits de villes filmés et dansés, entre installation et performance.
« Je suis poreuse et je n’ai jamais pensé que la danse devait être l’inspiration de la danse. (…) Il y a quelque chose d’exogène qui m’a toujours nourrie. Aujourd’hui, la ville et les territoires, c’est une autre partie de mon travail qui s’est ouverte, avec l’artiste Jocelyn Cottencin. (…) Explorer le territoire avec le corps, avec les gestes et comment le territoire influence le corps, c’est un nouveau champ d’exploration qui me passionne et me fait entrer de façon plus concrète dans les questions sociétales. »
Dans le parcours d’Emmanuelle Huynh, la transmission occupe une place majeure. A partir de 1992, elle mène une série d’entretiens avec la chorégraphe Trisha Brown qui lui enseigne notamment l’importance, dans la carrière d’un chorégraphe, d’apprendre des autres. De leurs échanges, elle écrit un livre :
Histoire(s) et lectures : Trisha Brown / Emmanuelle Huynh (Presses du Réel, 2012).

« Trisha Brown était une chercheuse et dès qu’elle avait trouvé, elle allait ailleurs. J’adorais et j’admirais cette façon de faire : d’incorporer des questions, de se les poser et de se mettre au travail. (…) C’est ce que j’ai aimé, admiré et je ne sais pas si je l’ai imitée mais j’ai l’impression que la recherche par sérendipité m’emmène ailleurs.
J’ai adoré voir comment cette femme qui était une grande danseuse en dehors d’être une grande chorégraphe, cherchait par son corps, travaillait avec ses danseurs, comment son corps était une sorte d’établi hyper outillé cérébralement et physiquement pour chercher. C’était très inspirant. »
AFFAIRES CULTURELLES par Arnaud Laporte sur FRANCE CULTURE :